dimanche 6 novembre 2011

Le Biquet d'Argent ou les aventures d'un prix littéraire cévenol. Emblématique

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Le Lutrin Le Biquet d'argent et l'art poétique

Il était une fois une petite ville du Midi,
La Chapelle Graillouze, nom bien aimable,
Qui avait un biquet ! En fait, des biquets, comme dans la fable,
Elle en avait en nombre, des noirs, des blancs et des pies...
Mais en principe, ils finissaient à table, 
Généralement à "La bonne heure",
Jeu de mots qui j'espère, ne vous a pas échappé,
Pour les festivités culturelles majeures.

Sauf que ce Biquet-là était, jamais vous ne devineriez,
Un prix littéraire ! De renom réputé depuis
Plus de vingt ans ! Le Biquet d'argent, ça s'appelait,
Du lourd, la Chambre de Commerce et tout le gratin,
De la culture à Rosette, sérieuse mais sans chichis.
Décerné tous les ans pour faire vendre, point,
Et le roman, et le pays, ses hôtels, ses restaurants,
Ses magasins de baskets surtout... juste au moment
Où les touristes partaient 
Ça relançait.

Paradoxe, ils primaient souvent 
Des pointures d' "ailleurs",
Pour faire classe -ou plus vendeurs-,
Que ce douteux encensoir
Que parfois il ne venaient pas chercher,
Oubliant sur leur CV de s'en prévaloir
Semblait plutôt embarrasser*
Du moins en campagne.


La règle, randonnée et montagne 
La montagne si belle, plus belle tu meurs,
De l'amour mais pas de sexe ou alors fort discret,
Le roman des familles multi prises,
Appellation strictement contrôlée,
Pas question de l'ubac lorsqu'on est sur l'adret.

A sa tête, Rénier-sport et son éminence grise,
L'aubergiste de "L'âne qui boîte" lui-même;
Le PDG de Boufengros -les cantines scolaires-
Le patron de Bativit, l'entreprise de HLM;
Qui faisait aussi les résidences secondaires, 
Le camping Belle étoile; le bâtonnier et sa greffière,
Et toutes sortes de poids lourds, de baleines,
Mais que du beau, du bon,
Du notable garanti pur Cévennes,
Comme les pots d'Anduze et le Pélardon.

Avec quelques célébrités en vacances-chlorophylle,
Et à demeure, un prix Glandour, fuyant leur bile,
Qui, après un bon repas, consentaient à poser, souriants,
Pour la photo de la Creuse-libre, coupe levée au lauréat,
Avec un jury qu'ils ne connaissaient pas plus que le roman
Et dont aucun des membres, les confondant parfois,
Encensant l'un pour l'autre et écorchant leurs noms,
Ne les avait jamais lus. Ce n'était pas la question.

Ils n'en étaient pas moins repus, invités, mentionnés
Même s'ils ne venaient pas de leur ailleurs.

C'était du reste un jeu graillouzais régulier,
Pour un événement littéraire majeur,
On annonçait une star célèbre et riche
Elle ne bougeait pas mais restaient les affiches
Pour épater le passage et se faire du blé des raves,
Mais comme, hormis quelques few et trois braves
..Égarés! personne n'y allait, tout baignait.

Autant dire qu'il allait mal, ce triste Biquet,
Il ne faisait même plus vendre, la pauvre bête,
Et c'était bien l'essentiel. Inutile, c'était l'abattoir.
Alors, son Président se mit en tête,
Avec le dynamique Maire-entonnoir,
D'un frère plus chic, plus porteur,
Carrément, si j'ose, une fivette !
Promouvant comme donneur,
Le PDG d' "Agro plus" viril et généreux,
-Forcément, un Strauss Khanien !-

Et ce fut "Le graillouzais Mondial", pas moins,
Subventions, campagne de pub, sponsors prestigieux,
Et l'"Âne qui boîte" tout entier pour faire le plein.
Étant au jury -le patron, pas l'âne- il fit une réduction,
Et il fut décerné à grand spectacle,
A une dame empêchée dont on ne pouvait dire le nom,
Mais de Cévennes, plus question!
Pour les fans du Biquet, c'était la débâcle.

Mais hélas, trois fois hélas, l'ouvrage,
A La chapelle, fut, il faut le dire clair,
Un vrai bide. Ceux du Biquet jubilèrent.
Par dessous, l'air contrit, hypocrites, de rage
Inassouvie.. et aussi d'espoir.
Passer des chardons à Szaböwicki, à Graillouze,
Le saut était aléatoire.

Le second fut la ruine, commercialement
Mais c'est tout de même le flouze
Le plus important.
Que nul ne le lise, soit, mais en plus il coûtait!
Il fallait revenir au Biquet d'antan.
Bien comme on dit relooké. 
Grosse, hénorme affaire,

Les négociations furent menées pavois ouvert
Par "Culturator", la belle libraire ubiquite,
Qui avait éliminé un à un tous ses confrères,
Dégraissé ses vendeurs pourtant fort squelettiques,
Et à Graillouze à présent unique,
Chapeautait tout, médiathèque et courses à l'œuf,
Conférences historiques et fête de la saucisse,
SPA et paella des chasseurs,
Livres sous le dais, toujours première en lice,
"Avec le soutien de la librairie Salsifi" claquant au Mistral,
Débordé, colonisé, il était, l'animal !

Riche du fiasco, on avait tout bien pesé,
De la culture, oui, mais trop classe,
Ça ne vend pas, et trop peu, ça lasse.
C'est comme saler le jambon, le fric, c'est un métier.

Une coterie sembla bien, l'Académie graillouzaise ça s'appelait.
Ces courtois étaient pile poil la devanture, la cible,
Pour faire grazouillais et culture à la fois,
Pas trop engagés politique, philo ou autre chose pénible,
Mais pas trop toro piscine non plus, certes frigides et un peu cois,
Conférences, débats, élégamment rasoirs,
Même les couples homo étaient trad et seoir, 
Plus convenu, plus can't, on ne pouvait faire.

Mais certains étaient grands miseurs liseurs et liseuses,
Et ça, c'était tout nouveau dans l'affaire,
Car commerce et politique sont choses sérieuses
Qui laissent peu de loisirs. Ainsi disait-on,
D'un auteur prix Glandour 
Qui pour dire bonjour,

Mettait une heure de sauce,
Qu'il était le "père des pots" du même nom, 
Son fils ayant, dans ce glorieux négoce, 
Magnifiquement réussi,
 Pensez, jusqu'au Japon!

Un détail choqua même les plus confits,
Une éditrice parisienne installée de peu au pays
Dix ans ce n'est rien, entra alors dans l'arène,
Et, gaffe banale d'une fraîche en scène,  
Présenta ses propres livres à l'étourdie,
Sans que cela ne lui posât problème,
  Dont certains auteurs, membres de l'Académie,
Furent ainsi amenés à se couronner eux-mêmes.
Et c'est ainsi que le Glandour Biquet nouveau renaquit,
Annoncé par la Creuse-libre, à côté de la corrida
De pentecôte, 
Juste après l'encart des Miuras**,
C'est dire sa cote, 
Et les photos en couleur des matadors,
En pile règlementaire chez Culturator
Devant sa caisse, frétillante, l’œil mouillé,
Car il partait, merveille, plus vite encore
Que "Mes fleurs d'amour" de Madame Cruchet.

Épilogue

Mais l'affaire eut un rebond tragique.
Un talentueux journaliste du "Réveil du Berry",
-70 exemplaires facile les jours de pluie-
Pour un article légèrement ironique,
Déclencha, enfer et damnation ! un anathème !
Une fatwa! Lettres peu recommandables
Quoique recommandées: la roche tarpéienne,
Sous les circonlocutions redoutables,
Et les oxymores sournois, 
Jouxtait bel et bien le Capitole.

Et c'est ainsi qu'aux abois, 
Devant des notables de farandole, 
Meute à l'étrille vertugadière,
 Étique mais féroce non moins,
Le brave mais non téméraire..
En somme.. galiléen !

Promu Saint-Pierre de Graillouze,  
Dut défiler corde aux couilles 
Et chaînes aux mains.

"Eppur si muove c'è carabistouilles,"
En quelque sorte, le mot de la fin.


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* Parmi celles-ci, notons Pierre Rabhi (lien) dont ce fut -dans la région- le signe d'envoi littéraire, Michel Jeury, Isabelle Lacan etc...

** Toros de combat particulièrement réputés.

Suite explicative, les raisons de la colère (lien)










samedi 5 novembre 2011

Explications, un chef d'oeuvre dans un tiroir

Suite des aventures d'un prix littéraire cévenol (lien)
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COMMENT ON PASSE DE PROUST A UN GENRE LITTÉRAIRE.. DIFFÉRENT ! POUR POUVOIR PRESQUE MANGER A SA FAIM..


Pourquoi une telle ire contre ces pseudos prix régionaux et sans doute tous, et la manière obscure dont ils sont attribués? parce qu'il me fut donné un jour de lire un texte (manuscrit), un pur chef d’œuvre, d'un jeune auteur inconnu .. de Montpellier ! que je supposais avec une belle candeur devoir forcément être primé. Il ne le fut pas : pas assez "local", Montpellier, c'est loin, ce sont les Cévennes qu'il faut vendre, trop intello (faux), pas assez connu, exact, mais ce prix eût peut-être pu le booster, ne serait-ce que financièrement -il vivait dans la misère-. Il en fut navré, croyant que son travail n'était pas assez "abouti" lorsque c'était l'inverse et qu'au fond on lui demandait plutôt de se galvauder. Il avait réalisé son roman selon les critères exigés et malgré tout, réussi un texte magnifique entre Proust mais écrit simplement et Zola, inspiré (peut-être?) de mon propre livre "Secret de famille" un ouvrage de philosophie un peu rasoir dont il était une sorte d'illustration romanesque parfaite et palpitante.. Navrant que, tenant une telle pointure, le jury avec une belle unanimité se soit rabattu sur un livre sans intérêt mais... sur les Cévennes ! 


Or celui du jeune auteur se passait dans la région de Montpellier. Il faut vendre, mais vendre ICI. Le public ainsi méprisé ne s'y est pas trompé et, s'il n'a pu lire le roman qui ne fut donc jamais édité, a cependant relativement boudé celui qui avait été couronné.
Le roman mettait en scène une famille immigrée italienne arrivée de Sicile dans un domaine viticole prospère dirigé par un jeune patron sous la coupe de sa mère veuve, un homme simple, isolé, jamais sorti et de ses jupes et de sa propriété, fils unique, qui tombe amoureux de leur fille aînée de 16 ans... qu'ils contraignent à l'épouser. La jeune fille qui aurait voulu continuer des études cède sous la pression, et de l'amoureux et de sa terrible "madre" qui voit là une occasion à ne pas manquer. Ainsi se forme un couple disparate dans lequel l'époux, qui pour la première fois de sa vie a dû s'opposer à sa propre mère [laquelle voyait cette union comme mésalliance funeste, consciente sans l'avouer que son fils n'était en fait pas à la hauteur de sa future] l'époux donc est fou d'amour et la jeune femme, indifférente et ne le cache pas. 

Il tentera désespérément toute sa vie de la conquérir maladroitement, en vain, quoique les enfants furent nombreux, qu'elle souhaite car c'est sa seule "liberté", la seule manière d'exalter sa joie de vivre malgré tout récurrente. Une manière dramatique cependant.


Sa fille aînée, navrée de voir sa mère malheureuse, se prend petit à petit d'une haine excessive pour sa grand mère italienne et surtout pour ce père qu'elle méprise.. ainsi que d'un amour sans espoir pour celle-ci, trop accaparée par les maternités qui se succèdent. Le drame se noue lorsque le père, devenu alcoolique, au bout de la détresse, la bat. La jeune fille le hait de plus en plus et un jour de folie, il la viole. Rétorsion ou amour désespéré pour sa femme qui, à présent ménopausée, se refuse, l'adolescente qui lui ressemble ayant joué les doublures? Elle part. La mère (sait-elle? on l'ignore) n'ose cependant pas quitter son mari, toujours durement pressée par la sa propre mère devenue la "nonna", qui redoute de devoir abandonner la position de quasi patrons du domaine (et des patrons durs aux ouvriers!) qu'elle et son mari ont acquis. De fait, personne ne défend l'adolescente -Julie- et par la suite, on ne parlera plus jamais d'elle.

Le roman commence lorsque l'exilée, mariée, revient au domaine... avec sa propre fille adolescente qu'elle a élevée seule, qui lui reproche de ne pas avoir été une bonne mère et surtout son divorce ; elle veut la mettre en relation avec sa famille afin qu'elle comprenne elle-même ce que fut son enfance, aînée d'un couple désespéré se haïssant, seule consciente de la souffrance de sa mère [les autres enfants, opportunisme ou sincérité, ayant plus ou moins pris le parti du père, les cas varient, incriminant leur mère "vénale", peu aimante vis à vis de leur père et peut-être volage.] Sur trois générations, le drame se répercute. La mère de Julie, qui n'a jamais dit-elle cessé de penser à sa fille disparue, quoiqu'elle ne l'ait jamais recherchée! soumise à la pression de tous, s'explique laborieusement : ce qu'elle n'a pu faire pour elle même, comment aurait-elle pu le faire pour une autre, fût-ce sa fille?... et le père, qui coule de plus en plus, mis devant ce passé tragique soudain étalé devant tous, un passé qu'il a lui-même initié, se suicide, après en avoir plus ou moins averti sa fille indifférente. 

Ainsi est magnifiquement traitée la question de l'exclusion et le sacrifice d'un enfant, dans les plus trad convenances bourgeoises, au sein d'une famille sans histoires, respectée, de notables ruraux catholiques. Aucune concession : les immigrés ne sont pas les "bons" exploités par un patron odieux, le patron n'est pas le méchant faisant suer le burnous, les hommes, même cogneurs, violeurs et incestueux, ne sont pas des monstres mais de pauvres types isolés et rompus, riches et pauvres confondus, et l'adolescente citadine autour de qui tout tourne au début, qui ne sait rien de ces omertas et agonit sa mère, comprend finalement que celle-ci fut comme sa propre mère la victime propitiatoire d'un clan qui s'est élevé socialement au prix de sa prostitution... et qui par la suite n'a pas hésité à lever le couteau contre la victime et surtout contre sa fille, celle par qui le scandale, est, non pas arrivé mais fut dénoncé. Et la fratrie, consciente (ou pas?) qu'elle doit sa sécurité et sa position au sacrifice de l'aînée et de leur mère a plus ou moins fait chorus. Exit les victimes, ou motus, tout le clan se referme. Quant au personnage le pire, la Nona, celle qui, analphabète, depuis le début, a sans états d'âme tiré les ficelles du jeu, elle fut elle aussi retirée de l'école à 4 ans dans sa Sicile natale et vouée à garder les chèvres toute sa vie; révoltée à sa manière ambiguë, par l'ambition et la soumission au consensus qui l'avait abolie et aux puissants, elle s'était jurée que ses enfants ne subiraient pas son sort, quelle que fût la façon dont elle devrait s'y prendre. Le sacrifice de son aînée était une parmi d'autres, la plus évidente peut-être. Elle avait la chance d'être belle [comme elle même l'avait été sans que cela ne lui réussît] et cet atout, cette fois, il ne fallait pas le laisser passer, un geste chez cette femme rendue dure par la vie nullement incompatible avec une religiosité pointilleuse et peut-être sincère.. qui ne lui était pas apparu comme du proxénétisme puisqu'elle aussi avait été autrefois mariée un peu au dessus de sa condition par une famille affamée qui n'avait "pas eu le choix"... pour elle ! Et elle aussi avait dominé un mari faible et tiré toutes les ficelles du terrible scénar. Un texte simple, court, éblouissant de finesse et de désespoir (lien avec "secret de famille").       

Épilogué : le jeune auteur s'est rabattu vers des biographies de commandes de stars sans intérêt, il en vit mais n'écrit plus autre chose. 

vendredi 4 novembre 2011

Huile Lessire, pas de panique

 Pas de panique. Les informations diffusées par le  Canard enchaîné sur les produits Lessire, extrêmement alarmistes, sont sans doute issues de plumitifs en mal de scoop ou de jaloux aigris par l’éclatante réussite de la marque emblématique. Remettons les choses à leur juste place, la quantité d'huile de vidange rajoutée dans leur huile n'est que de dix pour cent à peine, pourcentage soigneusement étudié par les chercheurs lesieuriens pour en renforcer les effets bienfaisants. 

En fait, cette adjonction d'huile de moteur très lubrifiante a un effet remarquablement tonique sur nos intestins paresseux, nos artères raidies, nos articulations rouillées et même nos méninges. Lessire nous fait ainsi bénéficier d'un véritable traitement multifonction au long cours gratuit sans même augmenter le prix de ses produits bien au contraire. 

Ainsi boostées, les excellentes huiles Lessire sont donc particulièrement recommandées aux vieillards arthrosiques, aux religieuses atrabilaires, aux écrivains, engagés ou enragés et aux fatigués des méninges de tout poil, aux constipés chroniques, aux sportifs tendiniteux, aux femmes enceintes (surtout avant leur accouchement) et aux écolos végétariens qui les craignent indûment, ainsi qu’aux jeunes vierges et bien entendu, à ceux qui portent des jeans "Diesel" et se parfument au "Fuel for life".

Toutefois, il ne faudra pas oublier votre contrôle technique et la révision des cinq mille : vidange et graissage à effectuer chez un mécanidecin de votre choix, un mécanidecin-Lessire bien sûr et si possible conventionné par la sécu sinon bonjour les dépassements d’honoraires. Les centres "Feu vert" ou "Plein gaz" par exemple sont assez réputés en mecanidecine, une spécialité au sommet de la vague actuellement, écologique et fort utile puisqu’au cours de la même visite, le mécanidecin qui vous a révisé s’occupera aussi de votre véhicule pour un prix forfaitaire global intéressant et remboursé. 

L’huile de vidange récupérée vous sera ensuite restituée gratuitement, Lessire ne mégote pas, en bidons spéciaux avec la mention obligatoire "user avec modération, tout excès pouvant être préjudiciable à votre santé etc…" les meilleures choses ayant malgré tout une limite. Vous réaliserez ainsi de substantielles économies.

Si toutefois vous n’avez pas envie de cuisiner, votre huile riche en fer évidemment et en toutes sortes de nutriments, sera recyclée en barres énergétiques pour enfants fort appréciées également des sportifs "Booster" par exemple … ainsi que dans toutes sortes de produits Lessire délicieux garantis "plein air" et "sans OGM" que vous pourrez aussi déguster en attendant votre voiture aux "Lessire’s fast drive" attenants à tous les centres "Feu vert" ou "Plein gaz" urbains, astucieusement reliés par pipe line à leurs ponts de vidange. "Directement du moteur à l’assiette", ils bénéficient ainsi de leurs excellentes huiles notamment pour leurs frites, renommées entre toutes. Fidèle à ses principes, Lessire nous donne ici un louable exemple de souci écologique, pas d’émission de CO2 qui pollue l’atmosphère. Leurs slogans "Un geste pour la planète, Lessire’s Feu vert égale planète plus verte, le gaspillage est du pillage, ne polluez plus, recyclez…" et leurs publicités "mettez un tigre dans votre moteur, ne laissez pas passer les choses simples" prennent là toute leur saveur. Lessire,  vous le valez bien !... Respect.

Mais voici à présent un vrai scoop qui met carrément l’eau à la bouche. Étant donné la pénurie drastique, justement, d’eau, et toujours dans un souci de protection de la nature, Lessire a décidé de faire fabriquer des sodas révolutionnaires à la fois écologiques et énergétiques, ainsi, le pipi récolté dans les "Lessire’s Fast drive" cinq mille litres par jour bêtement gaspillé jusqu’alors dans des fosses septiques et dont les qualités nutritives, curatives et vitaminiques se sont avérées exceptionnelles requiert toute l’attention de ses chercheurs. Dix pour cent a déjà été ajouté à des thés glacés "Ladies and gentlemen" par exemple ou dans des jus de pomme bio "Simplement nature" avec un certain succès et toujours la mention légale "élevage en plein air". Au sujet de l’étiquetage toutefois, une contestation oppose la grande marque novatrice au Ministère de la santé dont on sait l’indépendance, le souci qu’il porte aux produits et combien, en dehors de toute considération économique sordide, courageusement, il veille au grain. Le ministère a observé que les centres "Feu vert" étant souvent implantés en zones fortement urbanisées, la mention "plein air" n’était pas tout à fait appropriée, donc dès 2030, "élevage au sol", "en basse-cour" voire même "industriel", qui paraissent davantage correspondre aux banlieues des mégapoles que "plein air" vont être imposées sur les jus au pipi Lessire, à moins que la firme ne puisse prouver d’ici là que, selon les normes européennes, ses producteurs vivent en pavillon de plus de cinquante m² au sol entourés d’herbe, et disposent d’un enclos d’au moins deux m² par tête pour s’ébattre de temps en temps. Si excellente et goûteuse que soit la production, il ne faut tout de même pas induire le client en erreur. Bon appétit. Santé. Tchin. Onctueusement vôtre.
Jean-Claude Dana. Hélène Larrivé

jeudi 3 novembre 2011

"Qu'est-ce qu'elle foutait au "Centre" à dix heures du soir, la grosse ?"

Un sketch à présent


Une brève, pas si brève! de comptoir. Un gus entre deux pastagas nommé Boubouc relate une histoire, une agression sexuelle (!) de la veille, fusils à la clef car les agresseurs sont comme lui chasseurs émérites, contre une adolescente corpulente... agression qui a défrayé la chronique du village, à laquelle certes il n'a pas participé et même qu'il a tenté d'arrêter. On lui offre tournées sur tournées, et au fur et à mesure qu'il s'imbibe, on n'arrive pas à croire qu'il s'agit bel et bien d'une tentative de viol sous menace d'armes à feu qu'il relate. Ce sketch là est exact... à la virgule près.



Un village Cévenol un soir d'hiver. Boubouc, le héros du jour, est le client qui fut témoin de l'Histoire qui date de la veille. Deux sublimes, ses potes, énervés de ne rien avoir "pris", arrivent au bar du Centre, tenu par un nouveau patron qui ne ressemble pas à l'ancien, leur copain, ce qui les désole. Il s'agit d'un jeune homosexuel élégant et cultivé, cependant costaud et courageux.
D'emblée, Boubouc a une explication originale.

– "C'est ceux de Génolagues qui avaient encore tout rabattu sur l'adret, les salauds, faudra bien se la régler un jour entre hommes, cette affaire !" ...

Les énervés viennent donc se consoler au troquet du coin avec fusils -sans étui- et cartouchières à côté d'eux, ça va avec et c'est très tendance à Atargues. En ces cas, mieux vaut être loin ou résolument d'accord avec eux sur tous les points de détail même contradictoires qui vont être soulevés dans leur discours pâteux. C'est d'avoir déambulé avec arme chargée, au départ, qui leur est d'abord reproché. Boubouc s'indigne :

– "Z'allaient pas les laisser dans le quatre-quatre tout de même ? Y a plus de sécurité à Atargues en ce moment avec tous ces jeunes qui rôdent au parking, et pas que des arabes, chuis pas raciste, ya des gitans aussi, qu'est ce qu'y foutent les flics on se demande? Si on les leur avait piquées, leurs Winchesters, hein, après, c'était encore pour leur pomme si quelqu'un était blessé, faut pas rigoler avec ces trucs, ça te plombe un sanglier à cent mètres tout de même"…

Dans le feu de l'action, ces braves s'en sont pris à une jeune fille de seize ans et ils sont à présent au poste... en train de décuver. Boubouc est scandalisé.

– "Mais c'était juste pour ri-go-ler, c'était pas sérieux, merde... plutôt pour mettre l'ambiance qu'autre chose, tu sais ce que c'est"...

Car la gamine inexplicablement l'avait mal pris. Ensuite, ils avaient braqué dans la foulée le jeune patron venu s'interposer, l'avaient fortement bousculé et jeté dans un pot d'Atarges modèle géant qui ornait jusqu'à hier le devant du troquet... pot qu'ils avaient ensuite joyeusement canardé au sol. [La jeune fille, terrorisée, ne sortira plus de chez elle et même de sa chambre pendant des mois, le patron, par miracle assez peu atteint, ne fera qu'un jour d'hôpital.] Boubouc explique, une thèse, définitive.

– "C'est la faute au Fred, finalement, il a voulu jouer les Zorro, je te jure, le petit con. Fallait pas qu'y s'y mette, fallait les laisser régler ça entre eux ! C'est ça qui les a énervés, j'ai bien vu, d'ailleurs moi j'ai rien fait au début, on voyait bien que ça irait pas loin, mais le petit pédé, pas moyen de le calmer ! J'ai bien essayé mais quelle tête de pioche! Quel con mais quel con ! Il aurait pu se prendre un mauvais coup si j'avais pas été là mine de rien ! Et pour quoi? Pour que dalle. La fille, ils l'avaient à peine, à peine touchée... faut dire que dans l'état qui z'étaient, y pouvaient pas faire plus, ça c'est sûr." (Rires bon enfant.) "Même quand le Bébert il est venu pour la pizza et qu'y s'est mis à rigoler lui aussi... tu le connais, c'est pas un méchant, pas bien malin, peut-être et un peu coquin, d'accord, mais si fallait tuer tous les idiots, y aurait plus grand monde. (Rires.) Pas de quoi faire une histoire, je le sais j'y étais, pas les flics, c'était juste des chatouilles, quoi... je te jure !"

Un quidam semble dubitatif, légèrement parce que Boubouc aussi, il ne faut pas le contrarier trop hard au xième pastis.


"Bon, je sais ce que tu vas dire, s'ils ont eu les nénés -c'est ce qu'elle a dit du moins, peut-être, je dis pas qu'elle ment, j'ai pas tout tout vu, moi j'étais au comptoir et je faisais ce qu'on y fait d'habitude, je buvais tranquille, tant que ça tourne pas mal, faut jamais attiger- eh bé s'ils les ont eu par hasard, les nénés, c'était sûrement sans faire exprès parce que tu l'as vu, la grosse, question devanture, les pare-chocs, on peut pas les rater ! Bon, mais je te dis et je te répète, ils étaient trop bourrés de toutes manières pour faire quoique ce soit et c'est tant mieux ! D'ailleurs, il a eu de la veine, le Fred. Parce que le Milou, d'habitude, il te plombe un sanglier en charge à deux cents mètres, étalé net, la dernière battue, je l'ai vu faire, en plus qu'il était bourré comme un coing, mais c'est pas ça qui l'arrête, c'est une nature. Bon, là, il l'a pas eu, le Fred, il a eu que le pot, c'est dire qu'il voulait pas faire du mal ! Pas de quoi en faire un flan...


Il l'a bien dit chez les flics d'ailleurs, le Milou, dès qu'il a eu un peu dessaoulé, sans même qu'on lui demande, c'est pas un mauvais gonze, il lui en rachètera un autre, de pot, et plus gros encore, c'est pas une histoire. Il est pas chien comme certains, il sait reconnaître ses torts même qu'il en a pas. Et puis son dos, du Fred, enfin le bas, le cockys qu'ils disent (rires) bien sûr, bien sûr, pour un péd.. note bien, (rire) j'ai rien contre les pédés, dis pas ça, ça les regarde, moi je suis pas original, je préfère les femmes bon mais c'est chacun son goût et plus yen a plus ça nous fait de gonzesses à nous (rires)... Allez, à son âge, ça soudera vite. Quand j'ai tombé de mon tractopelle l'an dernier, je l'ai eu aussi, le coxkys... eh bé, j'ai continué de bosser sur une fesse, c'est tout. Il en parlera plus d'ici dix jours à peine... Je dis pas qu'ils ont eu raison, note bien, pas du tout, mais faut pas les emmerder pour le moindre truc quand même ... Et puis tout le monde sait bien ici que c'est les chasseurs, au Centre, depuis toujours, alors, hein ? C'est leur café. Qu'est-ce qu'elle y foutait la grosse, à son âge en plus, même pas 18 ans, et à dix heures du soir, avec ses pare-chocs au vent, tu peux me dire ? Les parents sont inconscients. Après ça fait des délinquants évidemment. Elle serait restée devant la tévé, ça serait pas arrivé... pareil si elle serait partie dès qu'y sont arrivés, tout pareil. Y en a qui cherchent un peu la merde tout de même, non ?


Et maintenant, c'est le pauvre Milou qui trinque, je te parie qu'il vont lui coller quelques jours fermes... (un des interlocuteurs marque son étonnement)... ben oui, parce qu'il a déjà déconné avant, rien de grave, pareil mais ça lui donne comme qui dirait une recommandation, une priorité peuchère, les femmes, je te jure, enfin c'est comme ça, on est bien content de les avoir dès fois le soir quand on rentre pour la graille.. et dès fois, autre chose (rires) mais qu'est-ce qu'elles sont casse-couilles quand elles s'y mettent tout de même. Bon c'est pas tout ça mais je file au poste avec des munitions -il montre une bouteille- pour les flics, dès fois que ça les disposerait bien comme il faut comme la dernière fois. Mais (soupirs de regret) maintenant, c'est plus comme avant où on pouvait toujours causer, c'est des nouveaux et ils sont un peu cons. Et puis la Loi est changée comme il a dit le Gilou qui s'y connait, on peut plus déconner comme avant, les femmes ont vite fait de prendre la mouche, c'est comme pour picoler, on n'est plus libre. Je le dis toujours, faut se méfier des ceux qui boivent pas, qui rigolent pas, c'est pas des naturels. Avec les anciens, on aurait fêté ça au Centre juste après, mais là... d'autant que (rires) le Centre, il est fermé en ce moment pour travaux, tiens, avec la mitraille d'hier, ô petite mitraille, du temps de Laflour, c'était autre chose, là ça bougeait et pas pour rire. Faut ce qu'il faut."

Et il s'en va récupérer son pick-up garé tout ce temps en double file sur le boulevard dans lequel ses chiens aboient après tous les passants. "Killer, Atil! Vos gueules!"
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Essai d’éthologie comparative 

Dans la nature, certains animaux ont pour habitude de marquer leur territoire en urinant ou en déféquant, délimitant ainsi une zone à l’intérieur de laquelle les femelles et la nourriture leur appartiennent. En meute, ils adoptent alors volontiers un comportement agressif-provocateur vis à vis des femelles ainsi que vis à vis des mâles rivaux ou des simples intrus qui s’y risquent innocemment, tentatives sexuelles sans objet véritable, parfois purement symboliques quoiqu’intempestives, grognements, exhibition des crocs ou des parties sexuelles, aboiements féroces.. 
 
Certains primates supérieurs mâles, à la suite de divers facteurs -traumatismes, mouvements lunaires, dysfonctionnement hormonaux, frustrations, imprégnation toxique chronique ou ponctuelle,  alcool, drogues ou simple émotion- développent également, par régression, un comportement similaire mais plus dangereux, exhibition des dents, frappe de la poitrine en roulement de tambour chez les singes, bombement du torse, agitation frénétique des membres, cris, menaces, esquisses sexuelles sans projet véritable, souvent homosexuelles mais toujours violentes et inopportunes, voire même, chez les hommes, viol réel ou seulement figuré par des propos obscènes, des insultes sexuelles ayant pour but d’humilier la victime et de provoquer l’adversaire présumé surtout s’il est plus jeune,  faible et isolé, et de demeurer seuls maîtres du terrain. L’offense sexuelle, publique  constitue une forme de viol blanc, c’est la prémisse, souvent, d’une rapide escalade vers l’acte réel. La violence de ces tentatives d’appropriation est souvent proportionnelle à la menace sexuelle représentée par les prétendus rivaux, les vieux mâles sur le déclin, en groupe, ou les solitaires se montrent en général les plus dangereux.

Chez les gorilles ou les ours, plus paisibles, le comportement se borne lors de certaines périodes, après s’être assurés d’un public par des cris impressionnants, à arracher de jeunes arbres, à creuser ardemment des trous, à jeter des bâtons en l’air ou à les casser contre des rochers afin de montrer leur puissance et émouvoir les femelles, -qui d'ailleurs y sont relativement indifférentes-. Chez les cervidés et équidés, le brame, l’exhibition de la ramure et une simple poussée, souvent seulement figurée, des jeunes rivaux hors du groupe des femelles suffisent, le vainqueur est celui qui a les bois ou les cornes les plus impressionnants ou qui braie avec le plus de ferveur. Chez les castors, la pariade consiste plutôt à casser des branches, construire des barrages parfois inutiles qui dénaturent le paysage tandis que les oiseaux se contentent de déployer leurs queues au plumage éclatant, d’agiter leurs ailes en haussant le col, sur la pointe des pattes, se dandinant et cacardant bruyamment, bec au ciel. Il s’agit, dans tous ces cas, de se montrer le plus volumineux et le plus tonitruant possible.

Il en va de même pour l’homme mais chez l’ homo sapiens-sapiens, la plus agressive et la plus dangereuse de toutes les espèces, le bâton et les poings se prolongent volontiers en armes à feu : la passion pour celles-ci, le fusil notamment, ainsi que pour toutes les activités qui y sont associées, chasse, guerre, tir, réunions de groupes fermés composés exclusivement de mâles, participe souvent de la symbolique sexuelle d’un super pénis omni performant, docile, toujours prêt à l’usage, à faire feu, volontiers dégainé -faute de mieux- avec une naïve et émouvante ardeur, ainsi que d’une défiance quasi phobique à l’égard des femmes ou des autres en général c’est à dire de tous ceux qui ne sont pas identiques, ces groupes, ultra sectaires, fonctionnant toujours sur le mode du même, femmes dont les exigences supposées sont redoutées : appréhension masquée par des rodomontades plus ou moins Tartarinesques, en cercle monogène hermétiquement clos. C’est la notion de territoire que l’on défend contre tout out – sider...
Essai d’éthologie comparative 
H.L.

mercredi 2 novembre 2011

Comment faire un best-seller

C'est simple : prenez quelques faits historiques réels ou acceptés, une abbaye mystérieuse où il se passe des choses bizarres — il s'en passe dans tous les lieux religieux, ne seraient-ce que les visites innombrables de gens à leur recherche justement— des coïncidences de dates sur un personnage ayant existé, une prémonition attestée d'un écrivain sur une catastrophe, celle du Titanic par exemple, ou mieux encore, simplement un sujet d'actualité hyper vendeur déjà bien médiatisé, si possible sanglant ou sexe... voire politique ou les deux car politique pur, c'est moins porteur — l'affaire Grégory fit d'excellentes recettes, Ranucci un peu moins mais tout de même, les histoires de quéquette et de chaussures de Dumas ne furent pas d'un mauvais rapport elles aussi grâce à Christine etc..— Là, dessus, adoptez une position résolument à contre courant de la thèse traditionnelle reconnue, y compris si ce n'est pas logique voire aberrant : moins c'est logique plus ça plaira... Pro violeur ou accusatrice des femmes si vous êtes féministe reconnue ; pro Le Pen si vous êtes juif/ve ou noir/e etc... Les camarades dudit vont vous offrir un piédestal, vous démentez les rumeurs.. tout comme les anti féministes vont vous dérouler un tapis rouge.. 

Brodez un scénario provoc — glamour si possible— laissant entendre que vous détenez des informations importantes dont vous ne pouvez divulguer qu'une partie, dans lequel vous mélangerez réel et imaginaire en lui donnant s'il faut le ton du vrai, du "scientifique" indiscutable, ou de l'initié pour ce qui est du people et du cul qui échappent à toute règle physico mathématique. Même si par la suite vous assurez n'avoir fait autre chose qu'une œuvre d'imagination, personne ne vous croira et c'est très bien... Ou mêlez les deux pour brouiller les pistes.

Ajoutez-y aussi s'il faut -selon les sujets- une dose de mysticisme ou d'anarchisme dur avec un zeste d'humanisme et d'écologie type science fiction pour ratisser large et mine de rien être dans le vent, plus une belle couche de violence : vous tenez là les ingrédients d'un best seller à tout péter. Il n'est pas mal alors de demeurer à l'écart et n'accepter aucune remise en cause directe, vous devez faire vous aussi partie du mystère. Tout le monde se laissera prendre, vous vendrez de plus en plus, les lieux (s'ils font partie du scénar) deviendront aussi célèbres que vous et leurs indigènes vous en seront reconnaissants. Ce n'est pas le petit Maire d'un hameau perdu au fond de l'Ariège qui va vous démentir question apparitions, il a même obtenu une subvention inespérée du Conseil Général pour retaper son village et un pont d'or d'un producteur pour restaurer l'église afin d'y tourner un film sur les "événements". Les libraires seront au pied et quant aux habitants, loin de remettre en cause les "faits" que vous relatez, même s'ils n'en avaient jamais entendu parler avant, ils les corroboreront haut et clair comme évidences historiques connues de tous... croisant les doigts pour que leur pays devienne un Lourdes de bon rapport. De cette providence, vous serez le pourvoyeur.

Si vous optez pour un sujet "politique", alors, en rang serrés, le groupe, les amis et la famille de l'"innocent" que vous défendez —choisissez le important ou le plus franchement coupable voire odieux, il faut choquer— constitueront pour vous un service de presse zélé, gratuit, absolument hors norme. Il faut aussi vous attendre à ce qu'un confrère avisé s'accroche à votre bouquin pour en faire un autre afin de profiter de la manne... remettant en cause votre "recherche" et vous taclant durement. C'est très bien et n'en faites pas cas, il faut qu'il réussisse, ça vous propulsera davantage, on parlera de lui donc de vous, il y aura les "pour-vous" et les "pour-lui" et ça relancera à l'infini. Vous pouvez même le susciter si vous avez des potes dans le besoin. Créer une sorte d'affaire Dreyfus.

Tout ceci ne serait pas grave si vous écrivez bien — si l'innocent est vraiment innocent et le coupable vraiment coupable, mais ce n'est évidemment pas le cas ni le but—... pas grave si cela ne conduisait au placard des littérateurs sincères se morfondant devant leurs manus refusés quand vous croulez sous les propositions d'une suite, contrat juteux à la clef, dollars, conférences, télés... Et voilà le travail, calqué sur le modèle américain: faits divers "réels", mysticisme, suspense, ésotérisme, certitudes "scientifiques", cul, violence, politique (mais là il faut bien choisir ses héros), "enquêtes" censées mettre à mal l'église, l'état ou n'importe quelle institution vendeuse... qui vous fera elle-même vendre car il n'y a rien de plus acheteurs que ceux que l'on damne. Et ceux là en ont les moyens quitte à pilonner ensuite. Quant à ceux qui damnent, ils se précipiteront en premier dans les librairies, l’œil brillant de convoitise. 

Il y aura donc les "pour-vous", les "contre-vous", des débats qui feront s'envoler l'audimat... et envoyer les dollars, c'est le but. Tout est bien. 

Et si cela s'essouffle car cela s'essoufflera forcément, vous allez lasser et votre mauvaise foi, après vous avoir porté peut vous nuire.. des petits filous comme vous ayant déjà fait leur preuves, les éditeurs en ont plein les placards, alors, changez de position, virez à 180 degrés.

Coup de théâtre, brûlez ce que vous avez adoré. Si vous vous êtes fait un nom comme danseuse nue ou "féministe" de choc, faites vous l'apôtre du tchador, (l'inverse est plus périlleux.) 
Finalement vous avez eu des infos, une preuve, c'est un cas de conscience, il vous faut parler: l'innocent que vous défendiez contre vents et marées est bel et bien coupable, vous le le saviez pas avant -vous étiez bien le seul mais baste..- "on" a profité de votre naïveté.. mais à présent vous vous faites un devoir de etc... Là aussi laissez entendre que vous avez des infos perso et si possible plus hard encore que tout ce qui a déjà été dit sur lui, forcément, vous avez côtoyé le diable, vous, pas les autres béotiens. N'oubliez pas, après votre best-seller -même d'ailleurs s'il s'est vendu modérément- vous êtes devenu/e un/e spécialiste écouté/e. Les pro culpabilité (la majeure partie du public puisque vous avez pris soin de choisir un "innocent" indiscutablement coupable) vont alors se ruer sur le bouquin pour river leur clou à leurs détracteurs ("même Machin voyez, à présent dike"), vous êtes sûr du coup. 
Exemple le cador "climatosceptique" dont les "recherches" étaient payées par les trusts pétroliers qui soudain a tourné casaque, promettant au public des "révélations" alarmistes pire encore que tout ce que l'on sait déjà, un "J'accuse" (!) ...

Montrez vous plus catégorique encore que vos "ennemis" de la veille, il faut vous démarquer là aussi sinon vous allez encore lasser ; oui ils ont bel et bien raison, battez votre couple sans modération, rajoutez-en une couche, les repentis, ça se vend toujours bien, forcément, ayant été du côté du diable, ils en connaissent les secrets... et la morale est enfin sauve. Ça repartira. Cette fois, vous pourrez ou non accepter les interviews, une question de circonstances, vous êtes un cador, à vous ou à votre éditeur de voir etc...  Et les gens de bien parfois, toujours un peu naïfs, vous tendront la main. Tapis rouge de tous les côtés. Et argent.
Hélène Larrivé

Texte prémonitoire!! LIEN

jeudi 12 mai 2011

Un poème








Lego technique ou spleen

Il y a eu ce soir là
Qui à jamais a changé ma vie
Pas compris. Agression ? Sûr.
Violente ? Sûr aussi.
Sexuelle ? Également.
Tout vient-il de là ?

Pourquoi cette indifférence,
Cette haine en même temps ?
Ce sentiment d'être différente?
Toujours ?
Ce désir d'être une autre,
Toujours ?



Pourquoi moi ?
Pourquoi le silence
Des autres ?
Qui n'ont pas pu ne pas savoir ?
Qui ont voulu que je me taise ?

Qui m'ont rejetée quand j'ai parlé ?
Trente ans après ?
Pourquoi tous ces hommes
Qu'ensuite j'ai choisi ?
Pas dangereux mais inexistants ?



Un moyen terme sans doute
Je ne suis pas malheureuse
Il y a des cas pires.
Je n'ai pas été violée
Parfois je pense que c'est pire.

Idiot, sûr, mais cette haine...
De ceux qui devaient m'aimer
En premier.

Je ne suis bien que seule
Du moins le soir.
Heureusement il y a ce clavier
Les chiens, les chats,
Et parfois les autres à aider.



J'aime quand ils ont besoin de moi
Ça donne un sens à ma vie
Là je suis sûre de mériter d'être...
J'aimerais qu'on m'aide aussi
Mais personne ne le sait, ne le fait
Puisque je suis forte évidemment...




samedi 22 mai 2010

Le Cabri, version originale

 

Le Biquet d'argent et l'art poétique


Il était une fois une petite ville du Midi,
La Chapelle Graillouze, nom bien aimable,
Qui avait un biquet ! En fait, des biquets, comme dans la fable,
Elle en avait en nombre, des noirs, des blancs et des pies...
Mais en principe, ils finissaient à "La bonne heure",
La boucherie vénérable,
Jeu de mots qui j'espère, ne vous échappera pas,
Pour les festivités culturelles et gastronomiques majeures.

Sauf que ce Biquet-là était... vous ne devineriez pas,
Un prix littéraire ! De renom réputé depuis...
Plus de vingt ans ! Le Biquet d'argent, ça s'appelait...
Du lourd : la Chambre de Commerce et tout le gratin,
De la culture à Rosette, sérieuse mais sans chichis.

Il était décerné tous les ans pour faire vendre, point.
Et le roman primé, le pays, ses hôtels, ses restaurants,
Ses magasins de baskets, de sport... juste au moment
Où les touristes partaient, ça relançait.




La montagne si belle, plus belle tu meurs,
Depuis qu'un poète parisien l'avait chantée,
De l'amour mais pas de sexe ou alors fort discret,
Le roman des familles multi prises, bien vendeur,
Appellation strictement contrôlée,
Pas question de chanter l'ubac lorsqu'on est sur l'adret !
Une Oriane dévouée, adulée, de grand cœur,
Inlassable biquette, faisait tout sans plaindre sa peine,
Articles, expositions et conseils aux auteurs...

Il y avait le Notaire, les meubles Tournère,
L'aubergiste de "L'âne qui boîte" lui-même, 

le PDG de Boufengros, -les cantines scolaires-... 
Le patron de Bativit, -des HLM-
Le bâtonnier et sa greffière,
Que du beau, du bon,
Du notable garanti pur Cévennes,
Comme les pots d'Anduze et le pélardon.


Avec quelques célébrités en vacances-chlorophylle,
Ou à demeure, un prix Glandour notamment, fuyant les villes,
Qui, après un bon repas, consentaient à poser, souriants,
Pour la photo de la Creuse-libre, coupe levée au lauréat,
Avec un jury qu'ils ne connaissaient pas plus que le roman
Et dont aucun des membres, les confondant parfois,
Encensant l'un pour l'autre ou écorchant leurs noms,
Ne les avait bien sûr jamais lus, ce n'était pas la question.



Ils n'en étaient pas moins repus, invités, mentionnés
En gras, même s'ils ne venaient pas d'ailleurs.
C'était une sorte de jeu graillouzais régulier,
On annonçait une star célèbre et riche
Pour un événement majeur,
Elle n'était jamais là, mais voilà, il restait les affiches
Pour épater le passage et se faire du blé

Et comme de toutes manières, personne n'y allait,
C'était sans importance aucune.




Certes des stoïques ne manquaient jamais la pelle,
Installés sur place en général... mais il y en avait une,
Un Biquet récent de surcroît, aimable et belle,
Qui, sans cesse sollicitée,
Acceptait tout... et ne venait jamais,
Annoncée en deux endroits, le même jour,
Par deux libraires rivaux qui en pinçaient pour elle,
Photo en buste, posters, buffet et petits fours,
Peu lecteurs certes... mais fins cuisiniers.


Autant dire qu'il allait mal, ce pauvre Biquet,
Il ne faisait même plus vendre, la pauvre bête:
Pis, si j'ose, tari, c'était l'abattoir. Il fallait du nouveau!
Alors, avec le Maire-entonnoir, son Président se mit en tête
De lui faire un frère, un Biquet plus chic, plus laiteux,
Sur une idée du nouveau Directeur des Bois Merlin
Très dynamique. Ce fut "Le graillouzais Mondial", pas moins,
Subventions, campagne de pub, sponsors généreux,
Et L'âne qui boîte tout entier pour faire le plein...

Comme il était au jury, le patron, pas l'âne, il fit une réduction,
Et il fut décerné à grand spectacle...
A une dame qui bien sûr ne vint pas. De Cévennes, plus question!
Pour les fans du biquet, c'était la débâcle.







Mais hélas, trois fois hélas, l'ouvrage,
A la Chapelle fut, il faut le dire clair,
Un vrai bide. Ceux du Biquet jubilèrent.
Par dessous, l'air contrit, hypocrites, de rage
Inassouvie et aussi d'espoir.
On était passés du pélardon à Szabö, et à Graillouze, 
Le saut était aléatoire.
Le second fut la ruine,
Commercialement mais c'est tout de même le flouze
Le plus important. Et c'est alors qu'en sourdine
Un événement grave se préparait.

Les anciens du Biquet, cette fois réveillés,
Trompettes et grosse caisse, complotaient la sédition.
La révolte, non, la Révolution ! Grondait. leur passion,
Résolument intacte, ainsi que leur vigueur.







La femme de Carrier, un Biquet de très grand renom,
Se mit de la partie. A bas l'infâme et haut les cœurs !
Le graillouzais Mondial avait vécu, c'était fait...
Que personne ne le lise, banal... mais en plus celui-là coûtait!

L'Argument évidemment faisait penser : clairon
D'assaut, sonnerie, ordre de bataille, en rang serrés,
Il fallait revenir au Biquet d'antan,
Ce brave Biquet cornu qui, bon an mal an,
Faisait tout de même ses exemplaires.

Et ce fut une grande affaire,
Car la Chambre de commerce et l'union des charcutiers traiteurs,
Son éminence rouge bien connue, veillaient au foin,
Un biquet, forcément... et avec une rigueur...

Fouragère ! Les négociations furent menées pavois ouvert
Par "Culturator", la belle libraire carnassière ubiquite,
Qui avait séduit Oriane, éliminé un à un tous ses confrères,
Dégraissé ses vendeurs...  pourtant fort squelettiques,
Et à Graillouze, à présent unique...





Chapeautait tout, médiathèque et courses à l'œuf,
Conférences historiques et fête de la saucisse,
SPA et paella des chasseurs,
Livres sous le dais, toujours première en lice,
"Avec le soutien de la librairie Salsifi" claquant au Mistral...
Débordés, ils étaient, nos biquets !

Car le présentoir de l'animal,
Devait absolument changer...
 Les ex furent tout de même sollicités,
De la culture, oui, mais trop classe,
Ça ne vend pas, et trop peu, ça lasse.
C'est comme saler le jambon, le fric, c'est un métier.






Une coterie sembla ad hoc, l'Académie graillouzaise ça s'appelait,
Il n'y avait là que du très beau longe, la maîtresse du Maire,
Une huissière en tête de gondole, le bâtonnier avec sa greffière,
Toujours et la femme fofolle de la star qui ne lisait jamais,
Même pas les best-sellers de feu son Biquet,
Le pharmacien et son ami un peu snob, un médecin militaire,
La Directrice adjointe de la Présentation de Sainte Eunice,
Un Inspecteur primaire vivant d'aoriste et d'accusatif absolu,
Et, toujours prêts à rendre service,
Quelques profs et instits résolument du crû.



Ces courtois étaient pile poil la devanture, la cible
Pour faire grazouillais et culture à la fois,
Pas trop engagés politique, philo ou autre chose pénible,
Mais pas trop toro piscine non plus... certes frigides et un peu cois...
Conférences, débats, élégamment rasoirs, pas trop, c'était très bien.
Même les couples homo étaient can't et confits : plus bourgeois,
Plus convenus, on ne pouvait pas faire.





Le Jury cependant était toujours course de sac et foire aux vins.
Il fallut donc, c'est encore le plus simple, recruter sur l'annuaire,
Parmi des auteurs serviables si possible du lieu : car des littéraires,
Il en fallait un peu pour saler le jambon,
Même s'ils ne venaient qu'en dépression,
… Nerveuse...
Et/ou pour réparer leur maison...
Que personne n'avait lu: le commerce est chose sérieuse
Qui laisse peu de loisirs. Ainsi disait-on...
D'un prix Glandour, qu'il était le père des pots du même nom.

Il y avait le gendre du buraliste conseiller municipal
Fan de Johnny, la fille de la directrice de la brasserie du Pont,
Qui faisait des poèmes pour les anniversaires et les inaugurations,
Et la même arlésienne gentille qui, dans le tableau, n'allait pas mal...





Et ce fut le Biquet nouveau, décerné par cette Académie
Et annoncé par la Creuse-libre à côté de la féria de pentecôte,
Carrément à la "une" du samedi c'est dire sa cote...
Sans que nos aimables académiciens ne fussent même avertis,
Ignorant pour la plupart tout d'un jury qu'ils représentaient
Et ne sachant rien d'un prix qu'ils devaient décerner.
Certains, des purs, plus susceptibles que les célébrités,
Ou moins gourmets, se levèrent d'indignation.
La Creuse-libre sollicitée refusa de prendre position,
Attendant de voir le lutrin avant de s'orienter...





Et c'est alors qu'aussitôt avertie, c'était la lutte finale!
Une gauchiste de service, sulfureuse agitée,
Revenue au bled, sa maison s'effondrait,
Qu'un étourdi hélas maire avait démolie sans penser mal
Fit un joyeux article, picorant celui d'un académicien,
Pour le journal de gauche local...
Qui s'en foutait. Il protesta, cette guerre,



Allait trop loin, elle fut intraitable.
L'article passerait ! Poing sur la table,
Tambour battants, dégainant poing serré, stylo au clair,
Elle alla voir Oriane, qui consentit, un peu effrayée.
Elle avait été autrefois le grand amour du célèbre Biquet.
Enfin, ça bougeait, pairs et impairs !

C'était fait, le Biquet nouveau était revenu !
La Creuse-libre alors applaudit sévère,
Et en récompense de son courage, Oriane fut élue
Membre d'honneur... et même décorée,
Créé exprès comme par Édouard la Jarretière,
De l'ordre de la Chambre de la Culture !







Du coup, elle fit un best-seller : guipure
Et cruauté juste ce qu'il faut, en pile règlementaire,
Devant la caisse, bandeau rouge, chez Culturator
Qui, peu rancunière, puisque ça se vendait...
"Avec le soutien de la librairie Salsifi", exultait :
Ça partait, merveille, et plus vite encore
Que "Mes fleurs d'amour" de Madame Cruchet.

Ma chère amie, quel génie !
Quelle écriture... Et on lui décerna le nouveau Biquet.
La gauchiste ricanant trop fort,
Elle le refusa et vendit plus encore.
Ça lui paya sa toiture qui fuyait.
Et c'est ainsi que le nouveau Biquet fut lancé.

Hélène Larrivé


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