samedi 22 mai 2010

Le Cabri, version originale

 

Le Biquet d'argent et l'art poétique


Il était une fois une petite ville du Midi,
La Chapelle Graillouze, nom bien aimable,
Qui avait un biquet ! En fait, des biquets, comme dans la fable,
Elle en avait en nombre, des noirs, des blancs et des pies...
Mais en principe, ils finissaient à "La bonne heure",
La boucherie vénérable,
Jeu de mots qui j'espère, ne vous échappera pas,
Pour les festivités culturelles et gastronomiques majeures.

Sauf que ce Biquet-là était... vous ne devineriez pas,
Un prix littéraire ! De renom réputé depuis...
Plus de vingt ans ! Le Biquet d'argent, ça s'appelait...
Du lourd : la Chambre de Commerce et tout le gratin,
De la culture à Rosette, sérieuse mais sans chichis.

Il était décerné tous les ans pour faire vendre, point.
Et le roman primé, le pays, ses hôtels, ses restaurants,
Ses magasins de baskets, de sport... juste au moment
Où les touristes partaient, ça relançait.




La montagne si belle, plus belle tu meurs,
Depuis qu'un poète parisien l'avait chantée,
De l'amour mais pas de sexe ou alors fort discret,
Le roman des familles multi prises, bien vendeur,
Appellation strictement contrôlée,
Pas question de chanter l'ubac lorsqu'on est sur l'adret !
Une Oriane dévouée, adulée, de grand cœur,
Inlassable biquette, faisait tout sans plaindre sa peine,
Articles, expositions et conseils aux auteurs...

Il y avait le Notaire, les meubles Tournère,
L'aubergiste de "L'âne qui boîte" lui-même, 

le PDG de Boufengros, -les cantines scolaires-... 
Le patron de Bativit, -des HLM-
Le bâtonnier et sa greffière,
Que du beau, du bon,
Du notable garanti pur Cévennes,
Comme les pots d'Anduze et le pélardon.


Avec quelques célébrités en vacances-chlorophylle,
Ou à demeure, un prix Glandour notamment, fuyant les villes,
Qui, après un bon repas, consentaient à poser, souriants,
Pour la photo de la Creuse-libre, coupe levée au lauréat,
Avec un jury qu'ils ne connaissaient pas plus que le roman
Et dont aucun des membres, les confondant parfois,
Encensant l'un pour l'autre ou écorchant leurs noms,
Ne les avait bien sûr jamais lus, ce n'était pas la question.



Ils n'en étaient pas moins repus, invités, mentionnés
En gras, même s'ils ne venaient pas d'ailleurs.
C'était une sorte de jeu graillouzais régulier,
On annonçait une star célèbre et riche
Pour un événement majeur,
Elle n'était jamais là, mais voilà, il restait les affiches
Pour épater le passage et se faire du blé

Et comme de toutes manières, personne n'y allait,
C'était sans importance aucune.




Certes des stoïques ne manquaient jamais la pelle,
Installés sur place en général... mais il y en avait une,
Un Biquet récent de surcroît, aimable et belle,
Qui, sans cesse sollicitée,
Acceptait tout... et ne venait jamais,
Annoncée en deux endroits, le même jour,
Par deux libraires rivaux qui en pinçaient pour elle,
Photo en buste, posters, buffet et petits fours,
Peu lecteurs certes... mais fins cuisiniers.


Autant dire qu'il allait mal, ce pauvre Biquet,
Il ne faisait même plus vendre, la pauvre bête:
Pis, si j'ose, tari, c'était l'abattoir. Il fallait du nouveau!
Alors, avec le Maire-entonnoir, son Président se mit en tête
De lui faire un frère, un Biquet plus chic, plus laiteux,
Sur une idée du nouveau Directeur des Bois Merlin
Très dynamique. Ce fut "Le graillouzais Mondial", pas moins,
Subventions, campagne de pub, sponsors généreux,
Et L'âne qui boîte tout entier pour faire le plein...

Comme il était au jury, le patron, pas l'âne, il fit une réduction,
Et il fut décerné à grand spectacle...
A une dame qui bien sûr ne vint pas. De Cévennes, plus question!
Pour les fans du biquet, c'était la débâcle.







Mais hélas, trois fois hélas, l'ouvrage,
A la Chapelle fut, il faut le dire clair,
Un vrai bide. Ceux du Biquet jubilèrent.
Par dessous, l'air contrit, hypocrites, de rage
Inassouvie et aussi d'espoir.
On était passés du pélardon à Szabö, et à Graillouze, 
Le saut était aléatoire.
Le second fut la ruine,
Commercialement mais c'est tout de même le flouze
Le plus important. Et c'est alors qu'en sourdine
Un événement grave se préparait.

Les anciens du Biquet, cette fois réveillés,
Trompettes et grosse caisse, complotaient la sédition.
La révolte, non, la Révolution ! Grondait. leur passion,
Résolument intacte, ainsi que leur vigueur.







La femme de Carrier, un Biquet de très grand renom,
Se mit de la partie. A bas l'infâme et haut les cœurs !
Le graillouzais Mondial avait vécu, c'était fait...
Que personne ne le lise, banal... mais en plus celui-là coûtait!

L'Argument évidemment faisait penser : clairon
D'assaut, sonnerie, ordre de bataille, en rang serrés,
Il fallait revenir au Biquet d'antan,
Ce brave Biquet cornu qui, bon an mal an,
Faisait tout de même ses exemplaires.

Et ce fut une grande affaire,
Car la Chambre de commerce et l'union des charcutiers traiteurs,
Son éminence rouge bien connue, veillaient au foin,
Un biquet, forcément... et avec une rigueur...

Fouragère ! Les négociations furent menées pavois ouvert
Par "Culturator", la belle libraire carnassière ubiquite,
Qui avait séduit Oriane, éliminé un à un tous ses confrères,
Dégraissé ses vendeurs...  pourtant fort squelettiques,
Et à Graillouze, à présent unique...





Chapeautait tout, médiathèque et courses à l'œuf,
Conférences historiques et fête de la saucisse,
SPA et paella des chasseurs,
Livres sous le dais, toujours première en lice,
"Avec le soutien de la librairie Salsifi" claquant au Mistral...
Débordés, ils étaient, nos biquets !

Car le présentoir de l'animal,
Devait absolument changer...
 Les ex furent tout de même sollicités,
De la culture, oui, mais trop classe,
Ça ne vend pas, et trop peu, ça lasse.
C'est comme saler le jambon, le fric, c'est un métier.






Une coterie sembla ad hoc, l'Académie graillouzaise ça s'appelait,
Il n'y avait là que du très beau longe, la maîtresse du Maire,
Une huissière en tête de gondole, le bâtonnier avec sa greffière,
Toujours et la femme fofolle de la star qui ne lisait jamais,
Même pas les best-sellers de feu son Biquet,
Le pharmacien et son ami un peu snob, un médecin militaire,
La Directrice adjointe de la Présentation de Sainte Eunice,
Un Inspecteur primaire vivant d'aoriste et d'accusatif absolu,
Et, toujours prêts à rendre service,
Quelques profs et instits résolument du crû.



Ces courtois étaient pile poil la devanture, la cible
Pour faire grazouillais et culture à la fois,
Pas trop engagés politique, philo ou autre chose pénible,
Mais pas trop toro piscine non plus... certes frigides et un peu cois...
Conférences, débats, élégamment rasoirs, pas trop, c'était très bien.
Même les couples homo étaient can't et confits : plus bourgeois,
Plus convenus, on ne pouvait pas faire.





Le Jury cependant était toujours course de sac et foire aux vins.
Il fallut donc, c'est encore le plus simple, recruter sur l'annuaire,
Parmi des auteurs serviables si possible du lieu : car des littéraires,
Il en fallait un peu pour saler le jambon,
Même s'ils ne venaient qu'en dépression,
… Nerveuse...
Et/ou pour réparer leur maison...
Que personne n'avait lu: le commerce est chose sérieuse
Qui laisse peu de loisirs. Ainsi disait-on...
D'un prix Glandour, qu'il était le père des pots du même nom.

Il y avait le gendre du buraliste conseiller municipal
Fan de Johnny, la fille de la directrice de la brasserie du Pont,
Qui faisait des poèmes pour les anniversaires et les inaugurations,
Et la même arlésienne gentille qui, dans le tableau, n'allait pas mal...





Et ce fut le Biquet nouveau, décerné par cette Académie
Et annoncé par la Creuse-libre à côté de la féria de pentecôte,
Carrément à la "une" du samedi c'est dire sa cote...
Sans que nos aimables académiciens ne fussent même avertis,
Ignorant pour la plupart tout d'un jury qu'ils représentaient
Et ne sachant rien d'un prix qu'ils devaient décerner.
Certains, des purs, plus susceptibles que les célébrités,
Ou moins gourmets, se levèrent d'indignation.
La Creuse-libre sollicitée refusa de prendre position,
Attendant de voir le lutrin avant de s'orienter...





Et c'est alors qu'aussitôt avertie, c'était la lutte finale!
Une gauchiste de service, sulfureuse agitée,
Revenue au bled, sa maison s'effondrait,
Qu'un étourdi hélas maire avait démolie sans penser mal
Fit un joyeux article, picorant celui d'un académicien,
Pour le journal de gauche local...
Qui s'en foutait. Il protesta, cette guerre,



Allait trop loin, elle fut intraitable.
L'article passerait ! Poing sur la table,
Tambour battants, dégainant poing serré, stylo au clair,
Elle alla voir Oriane, qui consentit, un peu effrayée.
Elle avait été autrefois le grand amour du célèbre Biquet.
Enfin, ça bougeait, pairs et impairs !

C'était fait, le Biquet nouveau était revenu !
La Creuse-libre alors applaudit sévère,
Et en récompense de son courage, Oriane fut élue
Membre d'honneur... et même décorée,
Créé exprès comme par Édouard la Jarretière,
De l'ordre de la Chambre de la Culture !







Du coup, elle fit un best-seller : guipure
Et cruauté juste ce qu'il faut, en pile règlementaire,
Devant la caisse, bandeau rouge, chez Culturator
Qui, peu rancunière, puisque ça se vendait...
"Avec le soutien de la librairie Salsifi", exultait :
Ça partait, merveille, et plus vite encore
Que "Mes fleurs d'amour" de Madame Cruchet.

Ma chère amie, quel génie !
Quelle écriture... Et on lui décerna le nouveau Biquet.
La gauchiste ricanant trop fort,
Elle le refusa et vendit plus encore.
Ça lui paya sa toiture qui fuyait.
Et c'est ainsi que le nouveau Biquet fut lancé.

Hélène Larrivé


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jeudi 20 mai 2010

Le crime paie

Au jour le jour...


Il y a un décalage dans notre société, la société du spectacle, et de plus en plus avec l'ampleur prise par les médias, qui est la meilleure et la pire des choses ... entre l'image que donnent d'eux mêmes certaines "icônes" et leur être réel. Parfois c'est une opposition complète. Et de plus c'est relativement connu. Cela devrait décevoir leurs "fans" ? Non, certains persistent à vénérer un mythe qu'ils savent opposée à la réalité. Ils veulent des icônes, des modèles. Et après tout, puisqu'il est là, celui-là fait l'affaire. Le jeune "beur" sympa-gentil à la faconde désopilante, qu'importe qu'il ait été un caïd redoutable dans sa cité, qu'il soit à présent une sorte d'affairiste âpre au gain tout à fait conforme à ce que le business requiert et qu'il démolit dans ses sketches, il reste et demeure l'image qu'il veut donner et qui est vendeuse. L'habit fait le moine... et le paradoxe ici est que pour plaire et gagner de l'argent, il soit plus efficace de se mettre en scène en "marginal" type beur-banlieue qu'en costard trois pièces alors qu'autrefois c'était l'inverse. 

La récupération est là, la marginalité se vend mieux que la "réussite" affichée et elle est elle-même réussite pour certains "happy few" qui servent de modèle. Et de modèle mensonger à deux titres, d'abord parce que la majorité des jeunes de banlieue souffrent pour de bon, et ensuite parce que ces "élus" eux-mêmes ne firent souvent pas vraiment partie du groupe qu'ils mettent en scène, ou du moins qu'ils se situaient parmi eux dans une hiérarchie "marginale" élevée, des caïds par exemple, c'est à dire souvent déjà des affairistes en blouson plus durs encore que les banquiers de wall street. La romance est fausse : le milieu "marginal" des beurs est dur et en tout point semblable au milieu du business, avec les mêmes règles, plus intransigeantes encore parfois.

Que, devenu une "icône", un jeune se comporte comme un businessman est dans la suite parfaitement logique. Mais que ceux qui le savent, ses fans, continuent à applaudir est navrant.

C'est le principe des sectes: ainsi celui qui, ingénieur son, s'était rendu compte que les "apparitions" du gourou étaient des trucages techniques tout à fait explicables et qui cependant demeura dans la secte sans avertir ses condisciples du leurre, en continuant un temps à y "croire" ou à faire comme si ! La réalité déçoit, l'illusion rassure.

Donc si le public naïf peut se laisser abuser, la comédie est évidente pour ceux qui sont derruère les coulisses,  et, eux, ne distordent pas leur image, pour les "vrais" beurs par exemple. Que certains soient cependant parmi les plus fervents supporters de l'"icône" dévoyée s'explique parce qu'elle les valorise malgré tout, met un baume sur leurs plaies, donnent d'eux à l'extérieur une image fleurette qui ne leur déplaît pas. Comme dans une famille où tous savent que la douce mère vénérée à l'extérieur est en réalité une impitoyable despote qui maltraite ses bonnes. Personne n'ose le dire et à l'extérieur l'image demeure, confortée par ses enfants-supporters, même parfois s'ils sont ses victimes, bien qu'au fond tout le monde le sache. Elle les valorise eux aussi et la dénoncer serait mauvais pour tout le groupe. L'illusion est plus belle, plus porteuse, plus vendeuse que le réel, là aussi.

Mais certains jeunes qui triment, sont au chom'du etc... sont frustrés, révoltés, écœurés de voir que celui qui est porté au nues, à la une des papiers, à la télé.. est quoiqu'il en dise peu représentatif d'eux-mêmes voire représentatif de ce qu'il y a de pire dans leur milieu. Il est en réalité l'opposé de l'image qu'il donne c'est à dire qu'on lui demande de donner, c'est normal. Ces jeunes conscients et révoltés  peuvent dériver -le mot est mal choisi- c'est à dire faire de même puisque décidément le mensonge, la distorsion paient si bien. Mais qu'ils sachent ici que certains dans le public général ne sont pas dupes de cette mise en scène de ces pseudo icônes et que ça ne vaut pas de perdre son âme, le net, les livres, la culture sont là parfois comme contre poids!

Tiens, je vais en faire un sketch ! Le petit "beur" marginal banlieue qui attaque en justice à coup de procédures coûteuses et retorses son "attachée de presse" parce qu'elle aurait dépassé le pourcentage des royalties dues ou parce qu'elle l'a fait représenter en représailles en costard négociant un contrat d'assurance, ce qui l'a fait baisser dans ses sondages de popularité, ça pourrait être le thème... vendeur ! On peut tout retourner en fait! Qui veut d'y coller et faire un tabac ?

A ce sujet, un détail rigolo, enfin on peut le voir comme ça, ayant écrit un texte marrant sur mes mésaventures avec le service après vente de free, je découvris au même moment sur le net un acteur, une sorte de "star" ou plutôt de starlette (?) que je ne citerai pas, disons anarchiste dur pour faire vite, aux sketchs désopilants, anti religieux notamment. M'étant bien amusée, je le lui envoyai aussitôt. J'eus le lendemain un appel de son "attachée de presse", stupeur et joie, si vite ! qui me dit entre deux rires qu'elle et la star s'étaient bidonnées en me lisant et que ça les intéressait. Combien ? me demanda-elle tout de go. Je lui répondis que je ne voulais rien, c'était une sorte de cadeau que je faisais comme auteur au talent d'un acteur. Embarras de la dame. Je n'avais pas pigé, en fait, elle me demandait combien je pouvais mettre MOI pour que la star utilisât mon travail. Le cadeau que je voulais faire, elle me demandait de le payer. Une précision, je suis par certains cotés comme auteur plus connue que C.A. non ce n'est pas le crédit agricole ce sont les initiales de l'acteur. Voilà. Le texte a été pris par un autre, pas anar lui, et qui ne m'a rien demandé. Paradoxe donc, l'image que l'on donne n'est pas la réalité. Décevant ? oui. Mais il faut le savoir.  http://larrive.blogspot.com